09 septembre 2024
Lorsqu’on œuvre au sein d’un d’organisme à but non lucratif (OBNL) ou organisme de bienfaisance (OB), il est très commun pour un preneur de décisions de faire appel à des subventions ou autres formes de paiements de transfert 1
Une subvention n’est généralement pas assujettie aux TPS et TVQ, car il ne s’agit pas d’une contrepartie payée en retour d’une fourniture. Cependant, il arrive à l’occasion que les termes d’une entente de subvention et les faits fassent en sorte que l’OB ou l’OBNL reçoit en réalité une contrepartie contre une fourniture et non une subvention.
La jurisprudence
Sur la base des critères établis par l’arrêt Commission scolaire des Chênes 2, toute forme de paiement de transfert sera considérée comme la contrepartie d’une fourniture de service s’il y a un lien direct entre le paiement de transfert et une fourniture reçue par la partie qui accorde le soutien ou procure un avantage à un tiers.
Le juge Noël précise notamment que « selon la Loi, un paiement pour constituer une contrepartie, doit découler d’une obligation juridique (contractuelle ou autre) et doit être suffisamment relié à une fourniture pour être considéré comme ayant été effectué « pour » cette fourniture (voir la définition du mot « contrepartie » à l’article 123). De là l’exigence du lien direct 3»
Par ailleurs, encore selon le juge Noël, « un paiement découlant d’un contrat répondra inévitablement à cette exigence puisque l’existence même de l’obligation de payer est conditionnelle à ce que la partie cocontractante remplisse l’obligation correspondante qui lui incombe. Mais lorsque le paiement s’inscrit à l’extérieur du cadre contractuel, le but par le paiement et les circonstances dans lesquelles il est effectué doivent être analysés minutieusement afin de déterminer s’il existe un lien direct avec la fourniture ; un paiement aura la qualité de contrepartie seulement dans la mesure où il est effectué « pour » ou en retour de cette fourniture 4. »
[Nos soulignés]
Position des autorités fiscales
De son côté, l’Agence du revenu du Canada (ARC), dans le Mémorandum sur la TPS/TVH 18-4 Déterminer si un paiement de transfert constitue la contrepartie d’une fourniture (ci-après « Mémorandum ») explique certains critères à considérer afin de déterminer si les subventions ou contributions en espèces constituent la contrepartie d’une fourniture.
Voici en rafale certains éléments à considérer selon l’ARC :
À l’instar des tribunaux, l’ARC précise que le lien direct entre le paiement de transfert et la fourniture est un des critères les plus déterminants.
Le mandat du payeur du paiement de transfert. En effet, si le mandat du payeur inclut des activités de financement qui sont dans l’intérêt du public et que le donateur libère des fonds pour aider le public, il pourrait ne pas y avoir de lien direct entre le paiement de transfert et une fourniture.
Si un payeur verse un paiement de transfert à un bénéficiaire afin que ce dernier fournisse des biens ou des services que le payeur serait autrement tenu de fournir (une forme de sous-traitance), il est probable qu’il existe un lien direct entre le paiement de transfert et une fourniture effectuée par le bénéficiaire.
Si le but principal d’un paiement de transfert consiste à aider un bénéficiaire à exercer des activités qui avantagent le public, et ne consiste pas à acquérir un bien ou service pour les activités du payeur ni à sous-traiter les tâches qui incombent au payeur, il est probable qu’il n’existe aucun lien direct entre le paiement de transfert versé par le payeur et une fourniture effectuée par le bénéficiaire.
Si le bénéficiaire fournit des biens ou des services à des personnes autres que le payeur, il n’existe probablement aucun lien direct entre le paiement de transfert versé par le payeur et une fourniture effectuée par le bénéficiaire.
Lorsqu’un payeur octroie un paiement de transfert pour sous-traiter une ou plusieurs de ses propres activités, il reçoit une fourniture en échange du paiement. Pour déterminer s’il y a sous-traitance, il faut examiner la raison pour laquelle le paiement de transfert est effectué. La question principale, compte tenu de toute obligation imposée par une loi, un règlement, un contrat ou autre, est de déterminer si le payeur est lui-même tenu de livrer les biens, ou de rendre les services, pour lesquels il effectue le paiement de transfert. S’il s’agit d’un cas de sous-traitance, il existe un lien direct entre le paiement de transfert et une fourniture, même si l’activité sous-traitée entraîne un avantage pour le public. Nous retrouvons souvent ce type d’ententes dans un contexte de services des loisirs municipaux. Par exemple, un OBNL qui gère certains services de loisirs aux citoyens d’une municipalité
Certains accords de paiement de transfert exigent que le bénéficiaire rende compte de l’utilisation des fonds obtenus. Si les services rendus au payeur par le bénéficiaire se limitent à des mesures visant à respecter des exigences de reddition de comptes, le paiement de transfert ne constitue pas la contrepartie d’une fourniture.
La bonne qualification d’un paiement de transfert est extrêmement importante, car si la fourniture effectuée par l’OBNL ou l’OB est taxable, les TPS et TVQ devront être perçues sur le paiement. Par ailleurs, le statut du paiement de transfert aura forcément un impact sur la réclamation des TPS et TVQ par le bénéficiaire. Donc, il est important d’aller au-delà du simple libellé de l’entente et d’analyser ce qui peut se cacher derrière.
1 Un paiement de transfert est une subvention, une contribution, un don, une aide financière ou un paiement semblable versé par un donateur.
2Commission scolaire des Chênes c. La Reine, 2002 GTC 1053, C.A.F., A-139-00.
3 Ibid
4Supra note 2
L’information financière dans les organismes à but non lucratif (téléchargement)
TPS et TVQ : Les pièges à éviter dans les contrats de gestion (article)
À propos de l’auteur
Nuno a commencé sa carrière chez Consultaxe en 2006. Après 6 ans à œuvrer dans le secteur des organismes publics, en 2012, Nuno a débuté un nouveau chapitre au sein d’une grande entreprise internationale de papier afin de diversifier ses compétences. En 2014, alors qu’il obtient sa maîtrise en fiscalité, Nuno rejoint les rangs d’un des grands cabinets comptables où il a conseillé autant des institutions financières que des entreprises publiques. En 2017, Nuno est de retour chez Consultaxe à titre d’associé, en ayant pour mission de continuer à développer la pratique des services consultatifs. Dans le cadre de sa pratique, Nuno conseille tant des organismes du secteur public que des entreprises.
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